Adios Patagonia, adios Carretera Austral

Hola todos !

Mon dernier message vous avait laisse a Puerto Cisnes, ou j'ai vecu une semaine incroyable avec cette petite famille. Les adieux ont ete dechirants, pour moi, comme pour Manuelito ! Avant de partir, ils m'ont offert une paire de chaussettes en laine andine. Toutes douces, toutes chaudes pour affronter les nuits hivernales qui arrivent. Je les remercie, mais les mots que je leur laisse sur cette carte postale me paraissent trop faibles pour decrire a quel point je leur suis reconnaissant. Pour tout !

Je pars donc de Puerto Cisnes, le coeur lourd, avec pour l'objectif d'etre le plus rapidement sur l'archipel de Chiloe afin de passer un peu de temps avec un ami. Et je marche, inconsolable... Je sais que d'autres rencontres aussi precieuses m'attendent, mais je sais aussi qu'il est peu probable que je revoie ces gens un jour ! Et c'est dur !

Alors j'avance ! Malgre tout, les paysages sont une bien belle consolation. En effet, la route qui me mene de Puerto Cisnes a Chaiten est magnifique. Elle longe des torrents d'eaux claire, des chutes d'eau, la foret de Queulat et ses nalcas aux feuilles demuserees. Et, soudain, dans un bruit de moteur ronflant et les meuglements du betail, Cristian s'arrete. Il me demande de caler le camion avec des pierres avant de monter, puisqu'il roule sans frein a main et que les portieres sont dures a ouvrir. Il est acheteur de betail et va jusqu'a la Junta. Je monte et vais faire avec lui, une bonne partie de la route que je comptais faire aujourd'hui. On fait connaissance, il est super gentil et rapidement il me demande : "Tu voyages avec de la musique?" - "Non", lui dis-je... Alors il branche son telephone au poste de radio, monte le volume et les sons de rythmes latinos viennent envahir le vehicule. Entre les rayons du soleil, les paysages et cette musique aux percussions entrainantes, je suis bien. Cette extase est de courte duree puisque son telephone n'a plus de batterie mais tant pis. On discute de nouveau. Comme il est super sympa, il fait meme des pauses aux endroits les plus magnifiques pour que je puisse prendre des photos. Et il s'arretera notamment au fjord de Puyuhuapi, ou les montagnes verdoyantes viennent se refleter dans ces eaux tranquilles et fraiches. Le paysage est parfait, excepte les nombreuses salmonicultures qui viennent ajouter une touche desagreable au panorama. J'entre dans une zone ou l'elevage industriel du saumon connait un essor impressionnant, offrant ainsi de nombreux emplois dans la region, mais negligeant aussi les impacts sur le paysage et les pollutions de ces eaux si pures...

On continue la route, la vue du glacier Colgante est aussi particulierement impressionnante. Nous arrivons a la Junta, carrefour de la Carretera Austral, ou Cristian me presente a sa famille, m'indique les boulangeries et arrets de bus du coin et je repars faire du stop. Pres de la station service, un panneau rappelle a tous que la Carretera est une oeuvre du mandat de Pinochet... Cette route mythique etait avant tout, un projet pharaonique pour relier tous les peuples du Chili, memes les plus isoles de Patagonie. Idee que les patagons saluent. En revanche, cette route aurait bien besoin de renovation. Le probleme : c'est la seule qui traverse la region et il est impossible de faire des deviations, contraignant ainsi les ouvriers a travailler par petits troncons, une moitie de la route en travaux puis l'autre... A la sortie de la Junta, je rencontre Alex, un canadien bien sympathique. Il parle le francais avec un accent quebecois, et l'espagnol avec un accent argentin, puisqu'il a appris a Buenos Aires. Le melange est surprenant. Et ainsi, coup du sort, Romain et Alex feront un bout de route ensemble... Gustavo nous prendra en stop jusqu'a Chaiten. Objectif rempli, demain, un ferry part pour Chiloe et je serai avec Daniel demain soir ! Chaiten est une ville fantome, devastee par l'eruption du volcan eponyme en 2008. De nombreuses maisons ont ete abandonnees, la ville a ete evacuee par precautions, sous un nuage de cendres qui laisse encore des traces. Meme apres 4ans... Avec Alex, nous decidons de dormir dans un batiment desafecte, et cela nous offrira un toit et des murs, a l'abris du froid, pour la nuit. Les cellules de detention et les armoiries des carabiñeros de Chile nous indiquent que nous sommes dans la gendarmerie. Grande premiere, une nuit au poste ! Cela fera l'affaire.

Le lendemain, leves a l'aube, par temps clair, nos chemins se separent. Il file vers le Nord, je vais sur Chiloe. Le ciel est bleu, sans nuages, et je suis sur le ferry Chaiten-Quellon ! Une femme prie sur le pont pour que la traversee se passe bien, je m'installe et regarde les cimes enneigees s'eloigner au loin. Les mouettes chantent, des phoques nous accompagnent, ca y est... je quitte, non sans un pincement au coeur, la mythique Carretera Austral.

Cette route, qui a connu des milliers de voyageurs, de tous horizons, en moto, a pied, en velo, a cheval... Et je suis fier d'en faire partie. C'etait une etape importante de mon voyage, qui me tenait a coeur de vivre, pleinement. Cette route, bien que limitee a 100km/h, est tellement degradee que les gens roulent a 30km/h pour eviter les nombreux nids de poule. Et je n'ai pas compte les nombreux sauts que j'ai pu faire du siege parce que le chauffeur etait trop rapide ou trop occupe a me parler. En verifiant, toujours, d'un rapide coup d'oeil que le sac a dos etait encore dans le pick up !  En revanche, la renovation de la route aiderait beaucoup pour le developpement du tourisme ou du transport de betail... Selon certains, ce serait aussi une voie qui pourrait venir rompre la tranquillite de la region, apportant avec le developpement, la delinquance... et selon moi, elle perdrait un peu de son charme ! Ce fut surtout une etape poignante pour ses rencontres.  Je profite de quitter la Patagonie pour vous decrire un peu ses habitants. Ces quelques informations sont tirees des nombreuses rencontres que j'ai pu faire et des echanges lors des longues heures de route avec camioneurs, agriculteurs, pecheurs, eleveurs... L'objectif n'est pas de tomber dans le cliche. Les patagons, avant tout, sont d'une gentillesse incroyable, une devotion et un altruisme a couper le souffle. Certains, en France, pourraient en prendre des bonnes lecons. Toujours, ils ont ete prets a m'aider, ou au pire a m'indiquer des gens qu'ils connaissaient et qui seraient capables de m'aider. Cette solidarite, ils la tiennent de l'isolement dont "souffre" la Patagonie depuis des generations. Une seule voie terrestre, en piteux etat, dessert cette immense region du Chili. Ainsi, les villages sont petits et tout le monde se connait. L'arrivee d'un etranger, surtout hors saison touristique, a vite fait le tour de la ville. Cet isolement fait que la vie est chere, tres chere ! Plus chere qu'en France... Et c'est avant tout la cause des nombreuses manifestations et greves locales. Les patagons ont la sensation d'etre une region oubliee par le gouvernement du Chili, sauf quand "ils veulent nos votes lors des elections, ou pour piller nos ressources", me temoignera un ancien. Et la ressource, c'est l'eau !! Les projets de barrages hydroelectriques sont nombreux et la tres grande majorite des locaux s'y opposent. Cela altererait le paysage et degraderait les ressources. Et vu que la region vit grace au tourisme et a la peche sportive, certains y voient la une menace directe pour leurs activites. De plus les lignes electriques viendraient tracer les forets ou steppes patagones et rompre ainsi le charme des paysages. Combien de fois ai-je pu lire les slogans "Patagonia sin represas" ou "Tu problema es mi problema. Aysen libre". Et les ressentiments des locaux vers le gouvernement sont tres forts, presques aggressifs. Souvent, ils me demanderont, autour du Mate (une autre grande tradition locale) ce que je pense des barrages... J'essaie de rester neutre, je pense que je ne connais pas tous les tenants et aboutissants de la situation... Enfin bref, une region que j'ai beaucoup apprecie, des rencontres merveilleuses et la fin d'une etape.

Une autre etape commence, l'archipel de Chiloe...

Sincerement, vous me manquez, portez vous bien! Love is all !